Logo_cnilIl est courant d'entendre dans les conférences et les salons autour de l'emailing que l'optin est obligatoire. Mais que dit précisément la loi française sur la communication publicitaire par email pour ses clients ?

Si vous êtes pressés ou disposez uniquement de 30' lisez le résumé ci-dessous de mon article :
Même si la loi permet l'optout sur la base clients, elle n'est pas recommandable pour, principalement, des contraintes de délivrabilité. Pour trancher entre l'optout, l'optin et le double optin, je recommande un test grandeur nature pour valider la performance économique de ces 3 possibilités. Enfin, en 2015, un règlement européen, directement applicable en France, changera (profondément ?) la loi actuelle.
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A l’heure actuelle, plusieurs textes régissent cette communication, et notamment les 2 plus importants :

  • La loi Informatique et Libertés de 1978, avec une dernière mise à jour en 2011,
  • La loi LCEN (votée en 2004) sur la Confiance en l’Economie Numérique.

La LCEN est une transposition d’une directive européenne qui généralise le consentement de l’internaute pour recevoir des emails (et d’autres canaux numériques).
La transposition de cette directive a donné lieu à des adaptations par pays, et il ne faut donc pas s’étonner des différences d’application entre les pays européens.
Cet article n’a pas donné lieu à un décret d’application et c’est la CNIL qui est chargée, en tant qu’organisme régulateur, de le contrôler (et de l’interpréter aussi car le texte de loi est parfois imprécis).

L'article le plus important est l'article L.23 dont le contenu est le suivant :

 "Est interdite la prospection directe au moyen d’un automate d’appel, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d’une personne physique qui n’a pas exprimé son consentement préalable  à recevoir des prospections directes par ce moyen."
On a donc bien obligation de recueillir le consentement préalable avant toute communication électronique sur le canal email.

"Pour l’application du présent article, on entend par consentement toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une personne accepte que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à des fins de prospection directe."

La LCEN précise les 3 qualités du consentement et celles-ci sont importantes :
Libre signifie notamment :

  • Que l’on ne peut contraindre l’internaute à participer à un concours en l’obligeant à s’inscrire à une, voire de nombreuses newsletters.

Spécifique et informée (on parle souvent de consentement éclairé) :

  • Que l’on ne peut mettre le consentement à recevoir les newsletters dilué dans des CGV (et donc implicite),
  • Que l’on ne peut omettre de préciser quel usage sera effectué de l’adresse et par qui.

Ces 3 qualités ne sont pas toujours respectées, comme on peut le voir sur cette copie d'écran.

Exemple-jeu
La suite de l’article précise les exceptions au recueil du consentement et celles-ci sont peu connues des internautes (voire quasiment pas).

"Toutefois, la prospection directe par courrier électronique est autorisée si les coordonnées du destinataire ont été recueillies directement auprès de lui, dans le respect des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’occasion d’une vente ou d’une prestation de services, si la prospection directe concerne des produits ou services analogues fournis par la même personne physique ou morale, et si le destinataire se voit offrir, de manière expresse et dénuée d’ambiguïté, la possibilité de s’opposer, sans frais, hormis ceux liés à la transmission du refus, et de manière simple, à l’utilisation de ses coordonnées lorsque celles-ci sont recueillies et chaque fois qu’un courrier électronique de prospection lui est adressé".

Donc, les entreprises peuvent envoyer des emails à leurs clients sans consentement pour des produits et services similaires (que ce soit en BtoB et BtoC).
Cette possibilité n’est pas connue des internautes et ceux-ci s’attendent à un consentement pour recevoir des emails commerciaux.

Les contraintes de délivrabilité sont plus fortes que la loi française

Le non recueil du consentement posera plutôt des risques sur la délivrabilité par un taux de plaintes trop élevé ou un engagement trop faible pour arriver en boîte de réception. De plus, l'internaute se désabonnera plus du programme relationnel par email, ce qui occasionnera une diminution de sa base de clients abonnés.
Il est toutefois intéressant de noter que la dernière étude EMA du SNCD souligne que 23 % des internautes qui se sont désabonnés d'une marque continuent d'acheter sur celle-ci.

EMA_desabo_logo

Quelques possibilités d’interprétation de la LCEN : produit similaire, désabonnement

Sauf erreur de ma part, la notion de "produits similaires" n’a jamais été précisée par la CNIL et elle reste donc libre à toute interprétation.
Le SNCD, dans un effort intéressant, l'a précisé dans son code de déontologie en précisant "par produits ou services analogues, on entend des produits ou services pour lesquels la personne concernée pouvait  raisonnablement s’attendre à recevoir des prospections directes de la part du vendeur ou du prestataire ayant recueilli les coordonnées."
Précisons que la CNIL a validé ce code de déontologie.

Un achat d’un produit textile chez un VPCiste me permet-il de recevoir des emails commerciaux sur la décoration intérieure, l’ameublement, l’électroménager ?
Dans la pratique, c’est ce qui est couramment réalisé par toutes les marques.

Toutefois, cette pratique d’envoi sans consentement est limitée aux produits / services d’une même entité.
Concrètement, une filiale d’un groupe, avec une entité juridique différente de celle de la maison mère, ne pourra pas utiliser un fichier de la maison mère sans consentement (sauf si ce consentement spécifique a été donné pour la filiale, cas des partenaires commerciaux de la maison mère).

Enfin, le désabonnement doit être offert "de manière expresse et dénuée d’ambiguïté". La manière expresse n'a jamais "été quantifiée", par exemple, sur le délai de désabonnement, et reste donc à interpréter.

Comment sélectionner le mode de recueil entre optout, optin voire double optin ?

Un site de vente en ligne a donc la possibilité de choisir entre l’optout (pas de consentement), l’optin ou le double optin (confirmation par email du consentement) pour communiquer chez ses clients.

Comment choisir et quel impact ?

  • Sur l’aspect communication, respect de l’internaute et aussi validité de l'adresse email, il est bien sur préférable de choisir l’optin voire le double optin,
  • Sur l’aspect délivrabilité, c’est aussi l’optin qui est préférable pour limiter les plaintes et optimiser l’engagement, facteur important sur de nombreuses messageries et webmails,
  • Sur l’aspect économique, le débat reste à trancher au cas par cas, car étonnement, le recueil du consentement n’est pas toujours gagnant sur la performance économique.

Pour trancher sur ce dernier point, rien ne vaut un test sur la performance de chaque modalité de recueil pour identifier le plus performant économiquement.

Pour réaliser ce test A/B, il suffit de prévoir 3 modes de recueil du consentement qui seront proposés pendant 1 mois aux internautes :

  • Aucun consentement pour les clients,
  • Un consentement recueilli à l’ouverture du compte,
  • Un double consentement avec un email de confirmation.

Chaque segment est ensuite soumis au programme relationnel de la marque de façon indifférenciée.
Au bout de 6 à 12 mois (suivant l’activité), il est alors nécessaire de mesurer la performance de chaque segment sur différents critères :

  • @ actives : volume de la base active (ou les pertes dues au désabonnement, l’inactivité, les plaintes et NPAI),
  • CA global : chiffre d'affaires total généré par le segment,
  • Panier moyen calculé sur l'année,
  • CA / @ : chiffre d'affaires par adresse email sur les dernières campagnes ou sur la durée du test,
  • Autres mesures suivant les critères de l'entreprise…

Schéma de principe du test sur une base de clients :

Schema_test
Dans cet exemple :

  • Le segment Optout est le plus volumineux mais subit les plus fortes pertes au bout d'un an (-22,5%) mais le CA global est le plus important,
  • Le segment Optin génère moins de chiffre d'affaires, moins de pertes d'adresses (-14%) et obtient un CA / @ aussi élevé que l'optout,
  • Le segment Double Optin garde le mieux ses clients (-7 % de perte) avec un CA / @ très élevé. Le segment double optin semble permettre de garder plus longtemps ses clients abonnés à la newsletter ?

À partir de ces données économiques (ou d’autres indicateurs de performance spécifiques à l’activité), il est possible de comparer la performance économique des 3 modes de recueil pour généraliser le plus intéressant.

Ayant pratiqué ce test plusieurs fois sur des sites e-commerçants, j’ai eu des gagnants sur les trois segments (optout, optin et double optin).

Ce test n'est pas toujours simple à mettre en oeuvre car :

  • 6 à 12 mois, c'est très long pour un responsable marketing,
  • Il n'est pas toujours facile de remettre en cause un mode de recueil du consentement car cela signifie de gérer, à terme, 2 types de consentement sur la base,
  • Le double optin est souvent refusé par la direction générale ou marketing, c'est pourtant une pratique systématique en Allemagne où l'ecommerce est bien développé.

Chez certains groupes européens, le double optin est la règle, ce qui permet de se caler sur la législation la plus stricte.

En 2015, la loi va changer

En 2015, une loi européenne, directement applicable en France (pas de passage par Le Parlement) sera imposée. Issue d'un long processus et de négociations (qui durent), la loi peut changer notre façon de travailler sur les points suivants  :

  • Un régime opt-in pour tout le marketing direct (postal compris),
  • Un consentement / information obligatoire pour le profilage,
  • Une mention obligatoire sur chaque communication de la source de la collecte des données,
  • Des mentions d'information qui pourraient être durcies sur la forme et le fond,
  • Une CNIL qui pourrait être européenne (guichet unique vivement combattu par la CNIL).

A surveiller avec une mise en application prévue en 2017.

Tous ces points et ceux permettant de mieux performer vos emailing seront abordés lors de notre prochaine formation "Mieux vendre par l'emailing" dont le contenu est accessible ici.

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