requêter une ia pour le CRM marketing

L’IA est intégrée depuis longtemps, avant l’arrivée des LLM,  dans la gestion de campagnes marketing adressées notamment  :

  • Sur l’usage de scores prédictifs (churn, appétence produit … ) avec notamment Splio et l’offre Prédictive IA (ex TinyClues), Data Cook , Optimove ou …
  • La recommandation de produits/services avec les moteurs de recommandation déjà nombreux sur le marché,
  • L’optimisation du moment d’envoi (présent chez quasiment tous les CRM du Middle Market),
  • La génération d’objets et d’accroches performantes basée sur l’émotion ( Cf Persado);
  • etc.

Que peut apporter l’IA générative dans ce contexte au CRM Marketing et à la gestion de campagne ? Quels sont les projets et idées en cours. C’est l’objet d’une série d’articles sur ce sujet .

Je vous propose d’aborder un premier thème avec Le requêtage en langage naturel :

 

  1. Ciblage par langage naturel : requêter sans coder
  2. La démonstration d’Adobe
  3. Le cas Club Med
  4. Est-ce vraiment utile ?
  5. Conclusion

1. Ciblage par langage naturel : simplifier sans sacrifier la précision
La réalisation d’une requête SQL pour effectuer un ciblage ou un comptage peut être longue, source d’erreur et peut nécessiter de bien maîtriser le SQL et le modèle de données de sa base.

Plusieurs prestataires CRM travaillent sur le développement d’une interface permettant à partir d’une requête en langage naturel (par la voix ou écrit) de réaliser la sélection d’une population au sein des différentes données d’un CRM/CDP/DataWharehouse.

Toutefois la réalisation de cette fonction est conditionnée par de nombreuses contraintes.

  • De données fiables et de qualité. Une évidence, mais sans données de qualité, l’IA fournira des résultats faux,
  • D’un dictionnaire de données (à jour aussi !) décrivant avec un détail et un vocabulaire suffisant décrivant les tables, les variables, les jointures, les modalités  pour entrainer l’ IA. Un « data catalog » peut bien sûr aider .
  • Des données mises à jour en temps réel, mais aussi la prise en compte de nouvelles tables. Ces dernières devront nécessiter de retravailler l’entraînement de l’IA  régulièrement…

Enfin l’IA doit savoir requêter correctement les tables et les données adéquates en SQL pour produire un résultat fiable.
On sait qu’une requête SQL doit être rédigée avec soin pour interroger les bonnes tables, faire les bonnes jointures et obtenir un résultat fiable..
Aussi lors du développement de l’outil de ciblage par langage naturel,  il sera nécessaire de vérifier le résultat produit, de corriger l’IA , en bref de l’entraîner.

Je vous propose deux exemples pour illustrer la façon dont peut fonctionner le requêtage en langage naturel.

2. Adobe avec IA assistant

adobe ia crmAdobe a présenté de ce type dispositif en  mai 2024 lors de son summit aux USA .

Le scénario est le suivant : une demande en langage naturel d’exploration de données pour identifier les différents segments de client qui n’ont pas réservé depuis les 12 derniers mois (puis de décider d’une action marketing dans la suite de la vidéo).

requete langage naturel IA et CEM

La réponse de l’assistant IA permet de visualiser la traduction de la demande sur une requête avec les champs et les données (ce qui permet de contrôler à minima la bonne interprétation) .
Dans la suite de la démonstration il est demandé de cerner le plus appétant pour réserver une chambre dans les 30 prochains jours sur les 5 nouveaux hôtels.

ia crm prédictif

Même interprétation en SQL en s’appuyant certainement sur une donnée prédictive de réservation dans les hôtels (ce n’est pas précisé dans le scénario).
Les requêtes SQL présentées sont ici très simples. Il serait intéressant de voir le système tourner sur des demandes plus complexes pour juger de la performance du système

La présentation s’appuie sur les modules  Adobe Experience  + IA assistant + Adobe Campaign et certainement Adobe Real Time CDP) ce qui représente un budget très conséquent.

3. Le cas Club Med – Avisia

ia crm club med Fin 2024,  dans un témoignage fort intéressant,  Club Med a présenté un projet mené avec Avisia, d’un dispositif incluant notamment sur un ‘RAG’ .
L’objectif est de permettre aux collaborateurs de Club Med (pas forcément du département CRM) d’interroger les données de l’entreprise en langage naturel, sans compétences techniques avancées. Ce projet, surnommé le « gentil requetteur », vise à démocratiser l’accès à la data en s’inspirant des assistants vocaux du quotidien comme Siri ou Alexa.​
Il doit permettre de répondre aux questions suivantes : « Quel est le chiffre d’affaires par pays ce trimestre ? » ou « Quels sont les produits les plus vendus en juillet ? ».
L’outil traduit ensuite ces requêtes en langage SQL, interroge la base de données et présente les résultats sous forme de tableaux, graphiques ou réponses textuelles.

Réalisé avec Avisia le schéma technique de l’outil est le suivant

Dans la vidéo, André Bourlat, Head of Data Factory & Innovation du Club Med détaille bien l’intérêt et les enjeux d’un tel dispositif qui de plus se doit d’être ouvert au plus grand nombre (pas seulement à la population CRM).

Lors de la démonstration, il a été demandé de sélectionner le ‘resort’ le plus acheté des 70 sites de Club Med. La requête générée est la suivante :
ia CRM et requêteOn est dans un cas plus complexe et sophistiqué que celui présenté par Adobe avec des jointures et des appels aux comptages et données précédentes.
Cette contextualisation (mémoire) de l’IA est essentielle au bon fonctionnement du requêteur.

La vidéo souligne que plusieurs éléments ont été déterminants dans la réussite de ce projet :

  • Des données en temps réel : la mise en place d’une « data factory » sur Google Cloud Platform (GCP) assure une actualisation constante des données, permettant des analyses précises et à jour.​ Le temps réel est un projet conséquent et pas toujours évident à mettre en place,

  • Un périmètre initialement réduit sur les ventes et les clients : le projet a débuté avec un focus sur les données de ventes et de clients, garantissant une maîtrise du domaine et une pertinence des réponses.​

  • Un modèle de données bien connu et documenté : Une compréhension approfondie des structures de données a permis une traduction « efficace » des requêtes en langage naturel.​ Cela s’appuie notamment sur l’outil datagalaxy

  • Un filtrage intelligent : un système de filtrage empêche les requêtes hors sujet, évitant ainsi des réponses incohérentes ou erronées (!).​ A noter que les requêtes orales peuvent donner des résultats graphiques, export CSV ou des données directement sur l’écran.

  • Un apprentissage continu : grâce à un monitoring régulier, les requêtes sont analysées, corrigées si nécessaire, et intégrées pour améliorer les performances futures de l’outil.

Le retour d’expérience sur cette application souligne sur la nécessité de valider les requêtes générées dans un premier temps pour les diffuser largement ensuite.

A noter que le coût de la requête est systématiquement calculé et présenté à chaque requête.
Exemple de la requête détaillée plus haut « 
Approximative cost : $0,04 (6487 imput token + 475 outpout tokens) ».

Un focus sur les conditions de performance et pérennité de la solution a permis de cerner quelques éléments clefs de réussite à l’issue de la présentation

club med ia crm

4. Le requêtage en langage naturel, est-ce vraiment utile et fiable ?

Le requêtage en langage naturel est-ce bien intéressant dans un contexte CRM Marketing?

Cette fonctionnalité est utile… mais pas pour tout le monde à mon avis.

Elle apporte une vraie valeur pour :

  • les utilisateurs non techniques, frustrés de ne pas pouvoir « accéder » à leurs données,
  • les organisations structurées (data catalog, données fiables, modèles documentés, mise à jour en temps réel),
  • les questions simples, récurrentes, à impact opérationnel.

Mais les conditions de réalisation sont nombreuses :

  • elle repose entièrement sur la qualité et la fraîcheur des données,
  • elle nécessite un véritable entraînement de l’IA sur la structure spécifique de l’entreprise et un suivi lors de l’ajout de nouvelles tables (coût de maintenance),
  • pour des requêtes complexes et à fort enjeu, la vérification humaine du code SQL sera probablement indispensable ,

Enfin l’utilisation de la voix pour exprimer une demande précise comporte des risques. Car on est moins précis que sur un support écrit. Il y a des risques liés à l’ambiguïté du langage naturel.
L’écriture permet une plus grande précision grâce à la possibilité de réviser et de structurer la demande.

Quelques exemples confusants :

  • Donne-moi les clics de la campagne de Noël -> Noël 2023 ou 2024, clics uniques ou multiples ?
  • Donne-moi le nombre d’emails d’abandon de panier entre le 1/07/2024 et le 01/8/204 –> les dates des deux bornes doivent-elles être incluses dans le comptage ?
  • Fais-moi un comptage des nouveaux clients –> pas de date formulée, nouveaux clients =  contacts créés.

L’Ia devra être un garde-fou sur ces dérapages en retraduisant, par exemple, la requête initiale dans les termes du dictionnaire de données avec son propre vocabulaire sur lequel il a été entrainé..

 

5. Conclusion : pas une fonction  presse-bouton, mais un levier intéressant si bien préparé

On le voit bien, ce sont des projets complexes qui doivent reposer sur un environnement data de grande qualité, fiable, mis à jour en temps réel avec une IA bien entrainée et des précautions d’usage bien respectées.
On est loin de la fonction de type « presse bouton. »

De nombreux acteurs de CDP ont dans leur feuille de route la sortie de ces aides à la requête. La gestion des data bien organisée et bien documentée dans un contexte temps réel est normalement dans leur ADN.

 Pour les éditeurs CRM « classiques » ce sera plus compliqué. Néanmoins, pour certains éditeurs comme Klavio spécialisés sur l’Ecommerce, le contexte est plus simple car un modèle E-commerçant est assez  »standard ». Le fonction est proposée depuis 2024.

Le « requêteur oral » peut être un levier puissant pour démocratiser la donnée marketing… à condition de rester lucide sur l’effort nécessaire pour le rendre utile, fiable et légitime dans l’organisation.

Merci Jérôme Mollier, formateur à l’ Email-Academy et Data Scientiste senior chez Relatia pour ta participation à cet article


Retrouver nos deux formations sur l’IA et le CRM en juin  :

  • Utiliser l’IA pour le CRM  et l’emailing : 10 juin
  • Data science, mining et IA: usages pour l’emailing : 25 juin

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